Sortie de route
Nous restituons ici l’échec d’un projet de rénovation d’une petite copropriété, trois mois après son inscription dans la démarche d’aide et d’accompagnement de la collectivité. Ce récit éclaire sous différents aspects, la complexité de l’action en petite copro où l’équilibre des forces reste fragile.
Il concerne un petit immeuble de 4 niveaux, comptant 5 logements et un commerce en rez-de-chaussée, « en bon état, bien entretenu », ayant la particularité de disposer d’un chauffage collectif. La candidature à l’appel à projet a été portée par deux copropriétaires, notamment motivés par la question thermique. Si le duo avait reçu de manière informelle le soutien de quelques autres copropriétaires, ils se sont retrouvés en minorité lors de la mise au vote en AG de l’engagement dans la démarche de projet.
Ce « retournement de situation », semble s’expliquer par la difficulté qu’ont rencontrée ces deux propriétaires à mobiliser et susciter l’adhésion de leurs homologues. Si tous les propriétaires ont été informés dès le départ de la démarche et tenus au courant de son avancée par des courriers déposés dans leurs boites aux lettres, aucun n’a réagi explicitement, ni n’a assisté aux réunions d’information organisées par la Carene. Il est apparu par la suite que la candidature ne reposait pas sur des préoccupations partagées : les deux copropriétaires à l’origine de la candidature apparaissent plus sensibles que les autres à la problématique thermique, non pas que le froid leur pose problème, au contraire. En raison du système de chauffage collectif, ils n’ont pas de maitrise sur la température et regrettent des pics de chaleur « non souhaités ni souhaitables ». La facturation étant basée sur une répartition au tantième, la facture énergétique pèse sur eux plus que sur les autres qui possèdent des logements plus petits. Cette situation met au jour la difficulté à définir des objectifs communs de travaux, pris en tenaille entre intérêts particuliers et intérêts collectifs.
Le fonctionnement de la copropriété et la situation de chacun de ses membres dans l’immeuble et dans sa trajectoire de vie ont aussi joué. Au départ, le duo pouvait compter sur deux soutiens : celui du propriétaire d’un commerce en rez-de-chaussée et celui d’une dame âgée propriétaire occupante. Mais les cartes ont été rebattues entre le montage du dossier et le vote en AG. Le propriétaire du rez-de-chaussée est décédé et sa veuve ne se trouvait pas en capacité de prendre le relai. De son côté, la dame âgée gagnée par des pertes de mémoire ne se sentait plus en mesure de suivre de près la démarche. Chacun d’eux a alors confié son pouvoir à d’autres copropriétaires qui se sont avérés opposés au projet. On perçoit ici comment la copropriété est une instance en mouvement permanent, faisant basculer des équilibres.
Par ailleurs, le syndic ne se serait pas gêné lors de l’assemblée générale pour se montrer très critique vis à vis de l’action de la collectivité et reprendre les manettes des perspectives de travaux de la copropriété. De sorte qu’in fine, les deux questions proposées au vote par le duo, à savoir l’engagement dans la démarche de l’appel à projet et le changement de syndic ont toutes deux été retoquées. « Pour couronner le tout », le syndic a, pour sa part, proposé au cours de cette même AG, un simple ravalement de façade – sans audit énergétique ni cohérence recherchée avec d’éventuels autres travaux à venir. Et c’est cette option qui a été retenue, en renonçant aux aides financières conséquentes proposées par la collectivité. On perçoit ici le rôle potentiellement déterminant joué par le syndic professionnel, et la difficulté des copropriétaires à dépasser le régime ordinaire de l’administration de leur bien, pour s’engager dans celui plus exceptionnel du projet d’ensemble.
A l’issue de cette déconvenue le duo, le prestataire et le service de l’Habitat se sont interrogés sur les possibles suites à donner au projet avorté, avec le souci de ne pas attiser le conflit au sein de la copro, ni compromettre d’éventuels travaux futurs répondant aux enjeux de rénovation portés par la collectivité. La décision a donc été prise de sortir la copro de la démarche d’aide afin de « faire retomber la pression », tout en maintenant un accompagnement pour le ravalement, dans la perspective d’une nouvelle candidature à un deuxième appel à projets prévu en 2019, sur des bases plus solides.
Récit à partir de l’exposé du prestataire URBANIS aux élus membres du Comité de suivi lors de la première rencontre suivant le démarrage de sa mission. Comité de suivi N°1 – janvier 2017