Habiter, co-habiter, agir en commun dans les copropriétés du centre-ville reconstruit de St Nazaire
Un soir de l’automne 2016 à St Nazaire, une importante assemblée de copropriétaires est réunie dans la grande salle d’un ancien garage transformé en tiers-lieu.
Les élus se succèdent au micro pour présenter les contours d’une politique de revalorisation d’un centre-ville longtemps disqualifié, qui en passe par un programme de soutien à la rénovation du parc issu de la Reconstruction. Les photographies de 16 immeubles typiques du patrimoine nazairien défilent sur l’écran de projection. A chacune des diapos, des copropriétaires se lèvent pour être présentés et applaudis : leur copropriété est lauréate de l’appel à projets de rénovation des copropriétés du centre-ville.
Cette expérimentation locale constitue un cadre circonstanciel particulièrement intéressant pour questionner les modes d’habiter, de co-habiter et d’agir de concert au sein d’un parc fragilisé mais doté d’atouts qui en font une véritable ressource pour habiter. C’est sur ce terrain que s’ancre notre recherche analysant des pratiques sociales du logement qui jouent à différentes échelles et sur différents registres. Habiter le parc collectif du centre-ville nazairien, c’est s’approprier des logements livrés par l’architecture de la Reconstruction, c’est co-habiter dans de petits ensembles collectifs et c’est aussi agir en commun. Le statut juridique des immeubles pose, ici, la question des usages sociaux de la copropriété (LEFEUVRE, 2013), et de la manière dont les copropriétaires s’investissent dans les affaires de l’immeuble (RICHARD, 2013), et prennent en charge collectivement leur patrimoine commun.
Par le recours à la socio-filmie nous avons cherché à documenter ces logements dans la tradition de l’approche ethnographique de l’habiter, à incarner des habitants et à percevoir les phénomènes dans leurs dynamiques d’évolution, y compris celles suscitées par la politique d’aide à la rénovation des copropriétés. Notre suivi de cette expérimentation urbaine constitue un prétexte pour s’avancer sur le terrain intime des espaces domestiques, doublé du projet d’identifier les impacts sociaux de cette politique sur la condition des habitants de ce parc, approchée au prisme des enjeux de domination, de compétences et de ressources (RAYMOND, 1984 ; LEBIHAN et ali, 2010; SIRNA, 2004).
Nous documentons ici par trois monographies croisées, la vie de petites copropriétés, saisie dans un moment particulier : l’engagement dans un projet de rénovation. Ce web doc restitue sur un mode sensible les résultats de notre recherche, en naviguant dans les différents lieux, scènes et intrigues de notre terrain, faisant écho à notre parti pris initial d’une circulation entre l’espace domestique et l’espace de la ville, l’espace privé et l’espace du commun, entre le collectif et l’individu.