Un accompagnement au plus près
Par le recours à la socio-filmie, nous avons enquêté sur les ficelles de « l’agir en commun » à l’œuvre dans cette expérimentation urbaine mobilisant élus, services de la collectivité, prestataires spécialisés dans les politiques de rénovation de l’habitat et copropriétaires. Nous mettons ici en avant quelques ressorts importants de cette action collective, ouvrant un espace d’interactions singulier entre des copropriétaires, acteurs urbains discrets, et des professionnels de l’habitat qui font aussi la ville.
Depuis la réunion de lancement, nous avons pu assister à plusieurs scènes réunissant ce qui peut être approché comme un collectif d’acteurs au travail, nous permettant d’éprouver la construction d’une relation structurée et durable entre les copropriétaires mobilisés et les acteurs publics et leurs prestataires. Ainsi, au-delà du registre du droit et de la convention (à l’instar de la charte d’engagement signée par les copropriétaires), la relation de confiance tissée entre les copropriétaires et la Carene et ses prestataires apparait primordiale (BOURDIN et ali, 2006). Celle-ci s’éprouve et se construit au fil de la démarche dans les interactions avec les professionnels qui sont au contact direct avec les copropriétaires dans le quotidien de l’action.
Associé à un bureau d’études techniques en charge de réaliser les audits des immeubles, l’opérateur Urbanis assure directement l’accompagnement des copropriétaires dans l’ensemble de la démarche qui s’organise en plusieurs phases : réalisation de diagnostics techniques et enquêtes sociales, accompagnement de la copropriété dans la définition d’un programme de travaux et dans sa mise en œuvre, élaboration d’un plan de financement au plus près des situations individuelles des copropriétaires et des locataires, aide au montage des dossiers de subventions mobilisables, assistance dans la phase travaux, suivi et mesure des performances énergétiques de l’immeuble rénové. Ces prestataires nouent ainsi des rapports d’interconnaissance assez étroits avec les copropriétaires dans le cadre d’un suivi réalisé sur mesure, ce qui est à la fois permis et requis par les spécificités de ce parc de petites copropriétés.
L’engagement des professionnels « aux côtés » des copropriétaires est quasi permanent, à l’image de ce téléphone portable dédié à la démarche, outil de communication privilégié entre le prestataire et les copropriétaires-référents, en complément des échanges de courriels. Nos observations nous montrent que semblent être en jeu ici un savoir-faire mais aussi des postures et des attitudes de la part de ces professionnels, pour se rendre accessibles et échanger avec les copropriétaires. C’est perceptible dans le cadre de réunions d’informations et de formations, c’est encore plus manifeste à l’occasion d’interventions faites in situ au sein même des logements, comme lors des restitutions des audits à l’automne 2017.
A cet engagement dans l’action des professionnels, fait écho l’engagement des copropriétaires et notamment celui des référents. Il y a une reconnaissance réciproque de l’autre dans son rôle comme professionnels-experts ou habitants-maitres d’ouvrages. Notre travail donne ainsi à voir ce qui est rarement mis en lumière, à savoir un engagement du quotidien de part et d’autre qui ne relève pas de la militance, mais qui œuvre discrètement à la réhabilitation d’un immeuble et, ce faisant, à la revalorisation d’un espace urbain, en limitant (au moins pour un temps) les effets de recomposition sociale.